Le point de vue d'un professeur agrégée d'anglais membre de la commission Thélot.
Jacqueline Quéniart
Professeur agrégée d'anglais, membre de la commission Thélot, enseignante au Lycée Toulouse-Lautrec à Vaucresson (Hauts de Seine).
Propos recueillis par Delphine Saubader, et trouvés dans l'Express du 6 décembre 2004.
«C'est une compétence indispensable à tout citoyen»
La commission Thélot [qui a chapeauté le «Grand débat national sur l'avenir de l'école» ] a considéré que tous les élèves devaient apprendre, dès le CE 2, «l'anglais de communication internationale» et que celui-ci devait faire partie du «socle commun de connaissances». Au sein de la commission, ce sont surtout les industriels, les universitaires, les parents et les hommes politiques qui ont défendu l'idée que l'anglais était devenu une compétence indispensable. Par le rôle qu'il joue en économie, dans les sciences, la technologie, la culture et les médias, il occupe une place à part parmi les langues étrangères. En France, 96% des enfants le choisissent pendant leur scolarité.
Rendre son apprentissage obligatoire très tôt aiderait notre pays à retrouver son influence sur la scène mondiale, écornée par notre insuffisance en anglais. Une récente évaluation des compétences des élèves de 15 et 16 ans dans sept pays européens le montre: les résultats des Français sont nettement inférieurs à ceux des élèves des autres pays (Suède, Finlande, Norvège, Pays-Bas, Danemark et Espagne), où l'anglais est obligatoire dès le primaire. Depuis 1996, le niveau a baissé. Notre façon d'enseigner est en cause, trop axée sur la grammaire et l'écrit. Les élèves s'expriment peu, de peur de se tromper, surtout devant 30 élèves.
700 millions de personnes parlent anglais dans le monde. Or c'est la langue maternelle de moins de la moitié d'entre elles. S'inspirant de travaux menés par des chercheurs anglais à l'université de Vienne, en Autriche, les professeurs devraient abandonner l'idée d'enseigner une langue proche de la perfection des natifs. Ces travaux préconisent d'étudier l'anglais en usage dans la communication internationale, pour parvenir à distinguer ce qui est indispensable à l'oral de ce qui ne l'est pas. Par exemple, il n'est pas utile de s'acharner sur certaines erreurs typiques des élèves - confondre les pronoms «who» et «which», durcir la prononciation du «th»... Il faudrait repenser la façon d'enseigner l' «anglais international». Il s'agirait, en fait, de déterminer ce qui serait évalué prioritairement dans le «socle commun». Sans pour autant renoncer à présenter les cultures et les littératures qui fondent l'identité de la langue. L'aptitude à l'écoute, l'éducation de l'oreille, les stratégies de communication, la conscience linguistique ainsi développées prépareraient l'étude d'autres langues dès la cinquième.
Ceux qui auront lu le livre "parlez globish" trouveront ici une parfaite convergence de préoccupations et de conclusions; elle a été soulignée, d'ailleurs, par d'autres commentateurs dans la presse. Le livre complète par des recettes pratiques pour l'apprentissage et la pratique concrète, et par des considérations innovantes sur le positionnement respectif de l'anglais et du français, à l'échelle mondiale.
N'est-il pas intéressant en outre que "au sein de la commission, ce sont surtout les industriels, les universitaires, les parents et les hommes politiques qui ont défendu l'idée que l'anglais était devenu une compétence indispensable". En clair, les ayant cause. Mais, que disaient donc surtout les enseignants, en dehors de Madame Quéniart dont la clairvoyance mérite ici compliments?