Article à la signature de Joëlle Jacques.
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Il lance l’« anglais light » et l’appelle « globish »
IL y a quelques années, Jean-Paul Nerrière, ancien vice-président d’IBM Europe, businessman très voyageur , réalise, à l’occasion d’un meeting international, que Carlos de Saragosse, Giancarlo de Milan, Jorma d’Helsinki, Eugenio de Lisbonne, Marcel de Lausanne, Satakésan du Japon, Soledad du Chili, Robert de Belgique et quelques autres, échangent efficacement leurs idées dans un anglais basique. La parole est parfois hésitante, l’accent effroyable, mais le débat avance bon train à la satisfaction générale.
La réunion capote à la minute où débarque Jim des Etats-Unis, qui se mêle à la discussion dans son parfait anglais du Wisconsin. Rideau. Personne ne pige ce que dit l’Américain, chacun se sent plouc, tout le monde se tait...
Cette anecdote (parmi bien d’autres du même tonneau) pousse Jean-Paul Nerrière à lancer le globish, un angloricain restreint à 1 500 mots. Pas n’importe lesquels. La liste pioche dans le dictionnaire de Basic English (du Britannique Charles Ogden) et le glossaire utilisé par la radio internationale Voice of America.
Un ustensile
Pourquoi s’encombrer les neurones d’un vocabulaire sophistiqué comprenant des mots comme « génisse », « filouterie » ou « charançon » ? Young cow (jeune vache) fera universellement l’affaire pour « génisse » . Pas question en revanche de zapper sur « baby » (bébé), « wine » (vin) ou « again » (de nouveau), indispensables.
« La langue française est une langue merveilleuse, synthétique, nuancée, permettant beaucoup de subtilités dans l’expression de la pensée – de nombreux auteurs étrangers préfèrent d’ailleurs notre langue à toute autre, explique Jean-Paul Nerrière.
Mais, comme le dit Roman Polanski, qui parle parfaitement le français : "si on veut faire un film qui soit vu partout, il faut le faire en anglais". Les gens qui défendent la langue française – et j’en suis – ont raison. Mais il faut la défendre comme une langue de qualité. Et pas comme un ustensile, ce que le globish doit être. Quand les défenseurs de la langue française prétendent vouloir supplanter l’anglais comme véhicule de la communication internationale, alors là, je ne les suis plus. Cet objectif ne peut être couronné de succès que si on décide un appauvrissement du français, comme on observe un appauvrissement de l’anglais. Ce que je fais, c’est une structuration de cet appauvrissement. Je propose de "l’anglais light" comme il y a du Coca light.»
Sans prétention
Si l’espéranto n’a pas percé, explique Jean-Paul Nerrière, c’est qu’il avait l’ambition d’être simple par sa structure mais pas d’être allégé : « Les mots découlent les uns des autres par règles simples, heureuses, très bien imaginées mais l’espéranto a l’ambition d’être une langue, d’avoir une littérature, d’accéder à un raffinement de détails. Pour communiquer efficacement partout dans le monde, tout ceci est superflu. Le globish n’a pas la prétention d’être une langue. »
L’auteur du désopilant Parlez globish a vécu pendant quatre ans à Lille dont il garde un souvenir « fabuleux ». Il prépare pour la mi-mai une méthode d’apprentissage du globish. « Impossible d’apprendre l’anglais en vingt heures par an de formation continue. En revanche, avec vingt heures de globish en décembre, vingt autres en janvier et un peu de manuel, vous n’accédérez pas à la pensée de George Orwell ou d’Oscar Wild, mais vous vous débrouillerez partout, toujours, avec tout le monde. »
J. J.
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